Jon Osler vit actuellement à Moscou, il y enseigne l’anglais et y apprend le russe. Son blog souligne les particularités fascinantes perçues par « An Englishman in Russia. »
Le Ruban de Saint George
Le ruban de Saint George noir et orange fait partie de plusieurs décorations militaires octroyées par l’Empire russe, l’Union soviétique et aujourd’hui la Fédération de Russie. Depuis 2005, de nombreux civils russes le portent comme les Britanniques portent le coquelicot en novembre pour commémorer ceux qui se sont battus et sont morts durant les guerres.
RIA Novosti, l’agence de presse internationale russe jusqu’à 2013, a lancé la campagne pour distribuer le ruban pendant les préparations pour le soixantième anniversaire de la victoire contre les Nazis dans la « Grande Guerre Patriotique » (1941-1945). Les rubans ont été distribués gratuitement dans les rues partout en Russie et les individus pour lesquels leurs amis et les membres de leur famille ont participé à la guerre ont été encouragés à attacher leurs souvenirs.
Aujourd’hui beaucoup de Russes affichent le ruban pendant toute l’année. Ils sont épinglés aux sacs et aux vestes, pendus aux rétroviseurs et aux antennes, et se trouvent même sur les trains et les produits quotidiens, comme les boîtes de chocolats et les bouteilles de vodka !
Le Coquelicot et Le Ruban de Saint George : La Polémique
Le coquelicot et le ruban de Saint George sont toutefois symboles controversés.
L’appel de fonds de la Journée du coquelicot en Grande-Bretagne, organisée pour commémorer les militaires qui sont décédés durant les guerres a auparavant accepté les dons de « BAE systems », le plus grand fabricant des armes au Royaume-Uni, et en 2014 l’armurier français Thales a parrainé un panneau publicitaire à la station de metro Westminster orné des coquelicots. « Nous nous survendrions ! ».
Le présentateur de nouvelles, Jon Snow, a créé le terme « le fascisme du coquelicot » pour denoncer à quel point le fait de porter le coquelicot n’est plus un libre choix mais une obligation et que si on ne le porte pas, un tollé général et une tirade de tweets abusifs s’ensuivent. Le joueur de football James McClean refuse de porter le coquelicot en disant « S’il s’agissait simplement de la première guerre mondiale et de deux victimes, je le porterais… mais il représente chaque conflit dans lesquels la grande Bretagne est impliqué. » Dans une série de tweets répugnants, les utilisateurs britanniques de Twitter ont justifié le point de vue de Jon Snow en stigmatisant McClean comme un « salaud » et un « sympathisant du terrorisme ». Un utilisateur a même proposé de mettre McClean « dans un trou à rats ».
L’ancien combattant et activiste Harry Leslie Smith refuse de porter le coquelicot. En 2014, il a tweeté « les politiciens se l’approprient pour justifier leurs guerres contre le terrorisme qui érodent la démocratie. ».
Un groupe de vétérans russes est également mécontent à cause de l’usage inapproprié du ruban de Saint George. En 2015, Anna Dolgov de « The Moscow Times » a rapporté que le groupe demande au gouvernement de pénaliser les entreprises qui utilisent le symbole à des fins commerciales, soit en le vendant soit en l’employant pour faire de la publicité. Plusieurs parlementaires ont également invité à faire des restrictions. Vladimir Zhirinovsky, politicien très en vue en Russie, a dit « On ne devrait pas mettre ce symbole sur les produits de consommation » et le Premier ministre Dmitry Medvedev a dit « Attacher le ruban de Saint George à une voiture est comparable à employer les gros mots dans un contexte littéraire, cela peut apparaître vulgaire. ».
Plus controversé cependant, est l’usage du ruban et du drapeau de Saint George par les combattants pros Russes et leurs supporteurs dans l’est de l’Ukraine. L’Ukraine faisait partie de l’ex-Union soviétique qui a perdu 23 millions de personnes à cause de la « Grande Guerre Patriotique ». L’usage de ce symbole pour exprimer la loyauté à une des parties au conflit est honteux s’agissant d’un conflit qui a entraîné la mort de plus que 9,000 personnes.
Quelles que soient les bonnes intentions derrière le symbole du souvenir, une guerre est toujours une terrible tragédie. Quand les fabricants des armes s’approprient le symbole et qu’il est utilisé pour attiser le patriotisme et pour justifier les guerres actuelles, il ne sert plus comme symbole du souvenir, comme symbole du désir de ne plus jamais vivre de telles tragédies, mais il devient une véritable arme de guerre.
Jon Osler, Un Anglais en Russie